EDITO

Penser et Agir pour les Transitions en Territoire

Dans le contexte de fort questionnement sur les limites du modèle de développement actuel tant du point de vue de ses impacts sociaux que sur le plan de ses impacts écologiques, la notion de transition occupe une place centrale dans les débats politiques comme dans les arènes scientifiques. Elle porte la nécessité d’innover pour faire face à des enjeux inédits et établir des solutions nouvelles. Mais celles-ci ne se font pas sans controverses quant aux voies sur lesquelles s’engager, ni quant aux effets potentiels de ces évolutions. Elles mettent aussi en exergue des oppositions et des verrouillages socio-économiques, organisationnels, techniques et institutionnels, et interrogent l’inclusivité sociale et géographique des processus de transition. Dans ce contexte, les territoires apparaissent à la fois comme les lieux où peuvent s’inventer les transitions, mais aussi des espaces impactés différemment dans leurs structures sociales, leur tissu économique et leur vulnérabilité écologique par les changements à l’œuvre, alors même que les approches théoriques des transitions ont parfois été critiquées pour leur naïveté spatiale.

La dimension territoriale des transitions constitue ainsi le marqueur de ce 62ème colloque organisé par INRAE et Sciences Po Toulouse. Ces journées proposeront d’articuler la réflexion sur la question de l’impact des évolutions sociales et climatiques sur le développement des territoires, ruraux comme métropolitains, et celle de l’analyse des solutions innovantes mises en œuvre par les acteurs économiques et associatifs pour relever ces défis. Elle interroge également la pertinence des dispositifs élaborés au sein des politiques publiques, les modalités d’intervention des collectivités locales, et les besoins d’un renouveau de l’aménagement du territoire.

Cette thématique qui allie Transition et Territoires, mais aussi cette recherche de solutions et d’impacts constitue une tendance nouvelle à la fois du point de vue de l’état de l’art et dans le cadre des manifestations organisées précédemment. Elle s’exprime dans les travaux récents notamment des « Transitions Studies » (Hansen et Coenen, 2015 ; Rodriguez-Poses et al., 2024), de la « Géographie de l’Innovation » (Boschma, 2024 ; Balland et al. 2019, etc.) et dans les approches en termes de knowledge based development de plus en plus mobilisées dans les analyses des systèmes régionaux d’innovation (Torre et al., 2023 ; Bai et al., 2024). A travers cette approche il s’agit de souligner la nécessité de revisiter les travaux de science régionale afin de répondre aux enjeux de transition auxquels sont confrontés les territoires en tant que configurations organisationnelles singulières et composantes d’ensemble plus vastes aux échelles nationales et internationales. Ceci suppose de considérer la robustesse des modèles théoriques et conceptuels en vigueur, d’explorer les potentialités offertes par les fécondations interdisciplinaires voire transdisciplinaires (Dedeurwaerdere, 2024), et de penser les besoins de formes méthodologiques innovantes afin de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre, les impasses et leviers pour la transition, mais aussi la capacité à l’élaborer les solutions appropriables par les différentes catégories d’acteurs qui décident et agissent sur les territoires. Autrement dit, d’envisager la science régionale sous l’angle de son potentiel impact en faveur des transitions, sans l’enfermer dans l’examen des seuls effets potentiels des solutions techniquement innovantes.

Ce thème général pourra se décliner en une variété de sous-thèmes : économie circulaire, rôle du numérique et de l’intelligence artificielle, énergie renouvelable et durabilité environnementale, mobilité durable et accès aux services, living labs et réseaux d’innovation, transition agroécologique… Cela impliquera aussi de traiter l’acceptabilité de ces innovations, leurs coûts et financements, les inégalités et impacts sociaux, ainsi que la vulnérabilité des territoires. Enfin, les questions relatives aux formes d’action collective, mobilisation citoyenne et des filières économiques, et nouveaux modèles d’intervention publique pour impulser les transitions en territoire pourront également être abordées.

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